Comment générer une explosion, un raz-de-marée ou encore une tornade ? Laurent Bertran de Balanda, responsable de formation 3D au sein de l'école ARTFX, école d'infographie 3D et effets spéciaux cinéma à Montpellier (htttp://www.artfx-montpellier.com), et auteur du livre Animation et effets spéciaux avec Maya, nous présente son ouvrage et nous montre toute la richesse d'un logiciel comme Maya.
Laurent Bertran de Balanda : Actuellement, toutes les productions
cinématographiques utilisent des effets spéciaux numériques dans leurs films, réalisés
par des studios spécialisés tels que I.L.M. ou Weta. Dans le domaine de la publicité,
les trucages deviennent aussi de plus en plus fréquents, notamment pour le secteur
de l'automobile. Avec la baisse du coût des machines informatiques et l'augmentation
de leur puissance de calcul, plus aucun studio ne se prive d'utiliser ces moyens de trucages.
L'infographiste 3D se doit donc aujourd'hui de connaître le secteur des effets spéciaux
numériques pour prétendre pouvoir travailler dans les grands studios de production
cinématographique. Ce secteur est devenu incontournable. Il fait appel à des compétences
diverses, allant de la technique informatique à l'esthétique de l'image.
Je pense que dans les dix prochaines années ce secteur de l'infographie se développera de manière vraiment importante, alliant la simulation pilotée par de l'intelligence artificielle et la retouche "picturale". Des films expérimentaux, comme Final Fantasy réalisé par le studio SquareSoft, ont posé les bases conceptuelles de l'acteur synthétique, du personnage virtuel hyperréaliste. Ceci a ouvert la voie à des visuels mêlant si étroitement la réalité avec le virtuel que le spectateur ne se pose plus la question de savoir quelle est la part de vrai dans l'image. En fait, il regarde un visuel reconstitué, donnant à voir son propre univers. Il est alors plus facile de comprendre l'engouement récent pour des films comportant un héros fantastique, comme Spiderman ou Daredevil, qui sont sortis des planches de bandes dessinées pour finir dans les salles obscures de cinéma.
L.B. : L'animation est l'étude et la réalisation de tout ce qui bouge dans une scène. C'est la création des mouvements des objets. Ces mouvements se classent dans deux grandes catégories :
Les effets spéciaux en 3D s'inscrivent dans un secteur assez large
qui se définit comme le laboratoire des "visuels extraordinaires".
Il peut s'agir de la réalisation de phénomènes météorologiques extraordinaires
comme des tornades ou des coulées de lave, ou de visuels de recomposition de corps
ou d'objets comme dans le film La momie avec l'armée d'Anubis qui prend corps
à partir des collines sableuses.
L'animation et les effets spéciaux sont étroitement liés. Il faut comprendre que
pour mettre en oeuvre des visuels avec des effets spéciaux, il est nécessaire
d'avoir d'abord de bonnes connaissances en animation. Comme le montrent les différents
ateliers de mon
livre,
les effets spéciaux regroupent des techniques très différentes, dont l'animation
fait bien sûr partie.
Ainsi, l'infographiste des effets spéciaux va devoir lister l'ensemble des techniques nécessaires à la réalisation de son effet visuel : l'animation, les textures procédurales, la dynamique, etc. Ensuite, il essaiera de voir comment ces techniques peuvent s'agencer pour donner le résultat escompté. C'est cette méthodologie que j'ai essayé de transcrire à travers les différents ateliers, et notamment l'atelier 8 qui montre le lien étroit qui peut exister entre la modélisation et la dynamique dans Maya.
L.B. : Les professionnels vont choisir Maya principalement
pour les nombreux effets spéciaux qu'il permet, surtout pour ceux faisant intervenir
des visuels montrant des décompositions ou des reconstitutions d'objets ou de corps :
par exemple, certaines séquences des films Hollowman, La Momie,
Star Wars sont composées de transformations visuelles de corps ou d'objets
(humains, engins spaciaux, etc.) que seuls les effets spéciaux numériques permettent
de fabriquer.
Un autre point fort de Maya est son moteur de calcul dynamique stable
qui offre la possibilité d'intégrer de nombreux paramètres, permettant ainsi de produire
des "visuels extraordinaires" très proches de la réalité (ex : intégration
d'une tornade dans un film réel).
La cohérence et l'intégrité des fonctions de Maya permettent de prendre en compte
pour le calcul dynamique la façon dont vous avez modélisé et préparé vos objets.
Dans mon livre,
l'exemple des poteaux électriques qui se font secouer par la voiture qui passe en trombe,
illustre cette fonctionnalité et montre qu'il est nécessaire de bien penser son visuel
dès la modélisation de la scène.
L.B. : Maya 6.5 n'est q'une mise à jour mineure qui a rajouté
quelques fonctions, notamment dans le traitement du rendu en multipostes sous Mental ray
(moteur de rendu de Maya). La version 6 par contre a vu la refonte de l'interface
d'animation non linéaire appelée le Trax Editor,
élément fondamental dans le secteur de l'animation. Le concept de l'animation non linéaire
devrait être un des futurs piliers de la création 3D.
D'abord, sur le point de la créativité, l'infographiste devient alors un chef d'orchestre
jouant sur la partition du temps avec ses clips d'animation. Ensuite, du point de vue
de la production, la notion de bibliothèque de clips et d'animation non linéaire
apparaît comme un moyen efficace de gagner du temps dans la phase de réalisation
des scènes.
Dans le domaine des effets spéciaux et des particules, une nouvelle technique
a fait son apparition : le système de particules peut être transformé morphologiquement
par des déformateurs d'animation. Par l'implantation de cette technique,
vous pouvez constater la puissance de Maya qui arrive à mélanger les modules
de dynamique (les particules) avec les modules d'animation
(les déformateurs).
Dans l'
atelier 3 du livre, je montre comment combiner un système de particules (module Dynamics)
avec de l'animation non linéaire pour obtenir une voiture qui produit un nuage
de poussières en freinant.
L.B. : Les concepts fondamentaux de la création 3D n'ont pas beaucoup évolué depuis 10 ans. Par exemple, le calcul de lissage de Gouraud qui est encore utilisé dans les logiciels de 3D date des années 70. En fait, ce qui a vraiment évolué, ce sont les moyens techniques qui permettent de fabriquer les images : les machines informatiques ont très rapidement augmenté leurs capacités à traiter l'information et leurs possibilités de calcul. Ce qui a permis de voir apparaître dans des logiciels comme Maya des fonctions plus sophistiquées et plus complexes, donnant ainsi à l'infographiste 3D des choix graphiques plus nombreux et plus précis.
Il suffit pour s'en convaincre de regarder les premières animations des studios Pixar
et les derniers films produits par ce même studio, comme Némo ou Les Indestructibles.
Dans le domaine cinématographique, vous pouvez aussi voir avec quelle précision
les éléments virtuels arrivent aujourd'hui à se fondrent dans le réalité filmée.
Ceci est dû aux possibilités de calcul des ordinateurs qui vont décortiquer l'image
virtuelle et la fabriquer en plusieurs passes de rendu : une passe pour les ombres,
une pour les lumières spéculaires, une encore pour les occlusions, ainsi de suite...
Le tout est recomposé dans un logiciel de post-production afin de doser précisément
les réglages de l'image finale.
Pour l'avenir, je pense que ce qui va évoluer, ou qui devra forcément évoluer,
c'est l'interface homme-machine ou plus particulièrement l'interface artiste-outils
de création. Dans ce domaine, tout reste à faire : les logiciels quels qu'ils soient
ne sont pas assez conviviaux et ne poussent pas à se mettre en situation de création
comme le fait un peintre devant sa toile. C'est la puissance de calcul des ordinateurs
qui permettra aux logiciels de réagir presque en temps réel par rapport
à une sollicitation artistique de l'infographiste.
L.B. : Maya est un logiciel très complet qui doit être perçu
dans un premier temps dans son intégralité pour en saisir tous les rouages techniques.
Pendant la phase d'apprentissage, je crois qu'il est nécessaire de bien comprendre
les différents modules : Modeling, Rendering, Animation et Dynamics. Il faut bien
comprendre aussi ce que chaque module apporte à la réalisation de l'image finale.
Ensuite, et souvent pour des raisons professionnelles, l'infographiste va se spécialiser
dans un domaine bien particulier. Dans le secteur de l'animation, l'infographiste
sera confronté à plusieurs techniques qui permettent d'obtenir le résultat recherché :
Set Key, Set Driven Key, Expression, Motion Path, etc. Mais il devra aussi se rappeler
et penser avec l'ensemble des autres fonctionnalités de Maya qui pourront venir
l'aider dans la mise en place de la solution technique. Là se trouvent toute la difficulté
et toute la richesse d'un logiciel comme Maya.
Propos recueillis par Laetitia Maraninchi.