Graphiste, formateur et auteur du livre Gimp2 efficace qui vient de paraître aux Editions Eyrolles, Cédric Gémy nous parle de Gimp, ce logiciel de retouche d'image prometteur, et nous fait partager son engouement pour cet outil.
Cédric Gémy : Quand j'étais étudiant en art, j'étais très attiré
par les pratiques participatives. Dès que j'ai entendu parlé de Linux, j'ai accroché.
Gimp était dans le lot.
À l'époque, l'imagerie numérique n'était pas au centre de mes intérêts, mais cela est vite venu.
Gimp offrait alors une parfaite alternative à un Photoshop 4 ou 5, avec autant de qualité
et cela en libre, de plus cela m'évitait de recourir au piratage.
On me regardait un peu bizarrement, cependant comme Gimp avait un autre mode de fonctionnement
cela me permettait de faire des choses différentes, ce qui s'est avéré être un point
positif.
C.G. : Trois choses : d'abord Gimp est un logiciel libre,
cela a des avantages mais peut aussi avoir des inconvénients comme par exemple
le manque de documentation que le présent
livre
vient combler ou encore le manque de reconnaissance par les professionnels de l'image.
Ensuite, il est inutile de foncer tête baissée. On associe souvent créativité à laisser-aller.
Gimp est un logiciel et comme tout logiciel il suit une logique, qui n'est pas nécessairement
celle de Photoshop malgré des points communs. Le "prendre du bon côté" c'est donc accepter
dans un premier temps de suivre cette logique pour bien comprendre son fonctionnement
et connaître toutes les possibilités offertes par ce logiciel.
Enfin, c'est un logiciel qui comporte de nombreuses fonctionnalités et parfois
un simple clic dans une case apparemment anodine peut tout changer. ll est donc nécessaire
d'y aller progressivement et d'accepter de ne pas pouvoir tout mémoriser.
C.G. : La 2.2.8 apporte peu de choses par rapport à la 2.2.7, seulement quelques corrections et améliorations. En revanche, alors que la série 2.0 apportait des changements notoires au niveau de l'interface et de certains outils, la série des 2.2 a apporté de nombreuses améliorations comme l'aperçu en temps réel des filtres et transformations, le nouveau type de calque Gfig (traité dans Gimp 2 efficace) ou encore les possibilités de personnalisation de la boîte à outils ou de raccourcis qui permettent un gain de temps appréciable.
C.G. : Personnellement, je pense que cela est peut-être lié
au système de calques de Photoshop. Les formes de calques récentes de Photoshop
telles que les calques de réglages, les effets de calques et les styles sont des fonctionnalités
très pratiques (mais pas indispensables) qui n'existent pour l'instant pas dans Gimp.
Certains graphistes ressentent également des manques concernant la gestion des couleurs
sous Gimp (absence de mode quadrichromique indispensable en imprimerie et en pré-presse).
Toutefois, cela n'est pas nécessaire pour les utilisateurs de Linux puisque dans
le flux de production du logiciel libre, c'est le logiciel de mise en page Scribus
qui prend cela en charge parfaitement.
Néanmoins, la version 2.4 devrait combler ce manque en apportant à Gimp une gestion
de la couleur digne de ce nom, ce qui laisse entrevoir l'utilisation de Gimp dans les flux
de production pour imprimés.
Enfin, mis à part la technique, il est important de ne pas focaliser sur l'outil.
Il faut apprendre à le transcender pour en tirer quelque chose de personnel.
D'ailleurs de nombreux artistes qu'Adobe cite en exemple pour son logiciel utilisent
d'anciennes versions de Photoshop qui ne disposent pas des fonctionnalités
mentionnées précédemment.
C.G. : C'est une initiative intéressante qui montre à quel point
le logiciel libre peut être riche en possibilités et en liberté. En effet, si un utilisateur
de Photoshop souhaite que son interface ressemble à celle de Gimp, il ne pourra
pas le faire.
Cependant, je suis trop habitué au Gimp initial pour faire ce transfert et de plus,
continuant parfois à manipuler Photoshop, j'apprécie d'avoir des logiciels différents
qui ont chacun leur logique et leurs outils.
C.G. : Gimp 2.2 dispose déjà au moins de 70% des fonctions
de Photoshop. Mais il est vrai que le domaine de l'impression a été jusqu'ici assez
délaissé.
Outre une amélioration de son système de gestion des couleurs (ajout d'un mode quadrichromique
permettant des impressions fidèles), Gimp 2.4 disposera des nouveautés suivantes :
C.G. : S'il est évident que Photoshop fait référence,
ce n'est pas le plus performant dans toutes les situations.
Pour le travail sur la sérigraphie par exemple, un logiciel comme CorelDraw est beaucoup
plus performant. De son côté, Gimp est plus à même de créer des animations
de grande envergure, quasiment de petits films. Chaque logiciel a
des avantages et des inconvénients. L'utilisateur doit trouver sa voie dans tout cela,
et c'est certainement le plus difficile.
Mais c'est parce qu'il est impensable d'imaginer qu'un seul logiciel puisse un jour
regrouper tout ce qui est nécessaire pour un utilisateur, que Gimp prend l'avantage
puisque chaque utilisateur a la possibilité de le personnaliser et de l'étendre.
Ce n'est pas le cas pour les utilisateurs de logiciels commerciaux.
Enfin, je voudrais ajouter que Gimp n'a donc pas à rougir de sa différence avec Photoshop.
Sa logique est contributive et il s'améliore grâce aux volontés et au travail de personnes
dévouées. C'est ce qui fait la variété de ce logiciel dont la richesse dépasse
déjà les besoins de la quasi totalité des utilisateurs.
Propos recueillis par Laetitia Maraninchi.